Photo : Tarier des prés © Christian Aussaguel
STOC : Une large étude inédite établit que l’intensification agricole est la principale cause du déclin des oiseaux nicheurs en Europe
Résumé :
Une vaste étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences révèle les relations de cause à effet entre les pressions anthropiques et le déclin des populations d'oiseaux nicheurs communs en Europe. Basée sur des données de sciences participatives dont le STOC, l'analyse sur 170 espèces sur plus de 20 000 sites pendant 37 ans montre un déclin global de 25,4% entre 1980 et 2016. L’intensification agricole, dont l’usage intensif de pesticides, émerge comme le principal facteur de ce déclin, accentué par l'urbanisation, les changements forestiers et le réchauffement climatique. Cette étude souligne l'urgence d'un changement transformateur, en particulier dans la réforme agricole.
Les données de sciences participatives telles que le STOC ne servent pas juste à calculer des tendances et des indicateurs, elles sont aussi utilisées dans le cadre d’études scientifiques essentielles pour comprendre le déclin de la biodiversité et ses causes. Grâce à l’engagement de nombreux observateurs en France et dans d’autres pays européens, une étude de grande ampleur démontre pour la première fois les relations de cause à effet entre les tendances des populations d’oiseaux nicheurs communs et les quatre principales pressions : l’intensification agricole, l’urbanisation, le changement de couvert forestier et le changement climatique.
L'étude, publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences, représente l'une des analyses les plus complètes, à l'échelle européenne, des pressions anthropiques sur la dynamique des populations d'oiseaux nicheurs communs. Elle se distingue en mesurant l'importance relative de quatre pressions principales à grande échelle, avec des estimations quasi-causales. Elle met ainsi en lumière le déclin alarmant des populations d'oiseaux en Europe. Rassemblant des données provenant de 170 espèces suivies sur plus de 20 000 sites dans 28 pays pendant 37 ans, l'analyse révèle un déclin global de 25,4% entre 1980 et 2016. Les espèces vivant en milieux agricoles sont les plus touchées (-56,8%), suivies par celles des climats froids (-39,7%), des habitats urbains (-27,8%), les forestières (-17,7%), et les thermophiles (-17,1%).
À cette échelle, l'utilisation des intrants chimiques (herbicides, insecticides, fongicides…) apparaît comme le principal moteur du déclin des populations d'oiseaux. Contrairement aux analyses antérieures basées sur les préférences d'habitat, cette étude montre que l'intensification agricole, en particulier l'augmentation de l’utilisation de pesticides, affecte négativement la dynamique des populations d'oiseaux, même dans des pays avec une intensité agricole moyenne plus faible. En accordant une autorisation prolongée au glyphosate, un pesticide nocif largement utilisé, et en rejetant des réglementations visant à promouvoir l'usage durable des pesticides, les décideurs européens risquent d'aggraver cette pression. L'augmentation de la taille des unités de production (vastes étendues de monocultures) contribue également au déclin en réduisant l'hétérogénéité des habitats.
Outre l'agriculture, l'urbanisation a un impact négatif sur l'avifaune, surtout celle des milieux agricoles, par l’intermédiaire du changement d’occupation des sols. L’augmentation du couvert forestier est bénéfique pour les populations d’espèces migratrices au long cours mais pas pour les espèces forestières. En effet, le type de forêt, la structure et qualité seraient particulièrement déterminant. Ainsi, des changements qualitatifs, tels que la disparition des forêts anciennes, peuvent avoir des effets négatifs. La reforestation par des forêts gérées et le reboisement après abandon agricole n’offrent pas la même qualité d’habitat.
Le changement climatique, en particulier l'augmentation de la température, a un impact global négatif sur l'avifaune commune. Certaines espèces en bénéficient, principalement celles qui acclimatées aux environnements chauds, tandis que les espèces acclimatées aux régions froides et les migrateurs au long cours subissent un impact négatif. Le changement climatique provoque des « décalages phénologiquess » lorsque des espèces interagissant dans leur environnement diffèrent dans leur capacité d’adaptation au changement de températures. Ainsi, des espèces se décalant vers le nord pourraient ne plus avoir accès aux ressources appropriées ou arriver trop tard par rapport à leur disponibilité. Dans le cas d’espèces sujettes à d’autres pressions, le changement climatique constituerait un double fardeau agissant directement sur leur cycle annuel.
Cette étude ainsi non seulement confirme les forts effets des pressions anthropiques sur les oiseaux nicheurs commun, mais pour la première fois en établit les forces relatives. L’impact massif de l’intensification agricole souligne le besoin urgent d’un changement transformateur dans nos sociétés, en particulier dans la réforme agricole.
Nous remercions toutes celles et ceux qui contribuent au STOC ainsi qu’aux autres suivis pour permettre à ce genre d’études coup de poing d’être réalisé !
La publication en libre accès : https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2216573120.