Photo : Monarque de Fatu Hiva © Fabrice Cahez
Les monarques polynésiens, entre menace d'extinction et espoir de résilience
Les populations de Monarque polynésiens sont gravement menacées, en partie à cause de leur caractère endémique. Mais sont-elles condamnées pour autant ? Un espoir de résilience subsiste grâce aux efforts de conservation…
Les archipels polynésiens comptent plus de 30% d’espèces endémiques, un chiffre considérable comparé à d’autres territoires français. Cependant, la biodiversité de cette région est gravement menacée. En Polynésie française, 50 espèces d’oiseaux ont déjà disparu et parmi les 30 espèces endémiques restantes, 20 sont menacées, dont 10 sont classées en danger critique (CR) d’extinction au titre de la liste rouge de l’UICN. Le Monarque de Fatu Hiva Pomarea whitneyi et le Monarque de Tahiti P. nigra figurent en tête de cette liste.
Les monarques de Polynésie : deux espèces en péril
Avec des populations estimées à moins de 200 individus, ces deux passereaux forestiers insectivores sont les plus menacés de Polynésie et de France selon le premier bilan sur les espèces rares et menacées d’outremer. Le fort taux d’endémisme qui caractérise la Polynésie Française est lié à son caractère insulaire. Cette région, située au cœur du Pacifique, regroupe 118 îles, réparties au sein de 5 archipels : les Tuamotu, les Marquises, les Gambier, la Société et les Australes. Fatu Hiva fait partie des Marquises, tandis que Tahiti se trouve dans l’archipel de la Société.
L’endémisme : une source de grande vulnérabilité
Les espèces endémiques, véritables piliers de la biodiversité insulaire, sont particulièrement sensibles aux changements de leur environnement ce qui en fait des indicateurs précieux de la santé des écosystèmes. L’endémisme découle du phénomène de sélection naturelle, qui a poussé les espèces à s’adapter aux conditions écologiques spécifiques de leur habitat et les a conduites à former des populations restreintes et isolées.
Comme de nombreux passereaux forestiers, les monarques jouent un rôle clé dans la régulation des populations d’insectes et la dispersion des graines contribuant à la santé des forêts polynésiennes. De ce fait, la survie des autres espèces de l'écosystème est étroitement liée à ces particularités.
Des menaces multiples : espèces invasives et maladies
Avec des tailles de populations déjà réduites et un faible taux de reproduction – un œuf unique pondu par an -, les monarques polynésiens sont particulièrement vulnérables aux prédateurs introduits comme le Chat haret et le Rat noir, qui s’attaquent à leurs œufs, ainsi qu’au Martin triste et au Bulbul à ventre rouge, qui s’en prennent directement aux oisillons.
En plus des espèces exotiques envahissantes animales, menaces principales pour ces deux espèces de monarques, le Monarque de Fatu Hiva est également impacté par la malaria aviaire, transmise par les moustiques. Un premier cas a été découvert en mars 2022. Cette maladie touche principalement les jeunes individus et provoque la mort de ces derniers.
Le Monarque de Tahiti est, quant à lui, menacé par la perte de son habitat due à la prolifération du Miconia calvescens, une plante invasive pouvant atteindre 12 mètres de hauteur et dotée d’une capacité de dispersion impressionnante.
D’autres facteurs, tels que la pollution ou le changement climatique, contribuent à l’érosion plus générale de la biodiversité terrestre, compliquant encore d'avantage la situation des monarques.
Des efforts de conservation : une lueur d’espoir pour les monarques
Les deux espèces de Monarques sont protégées à l'échelle du territoire polynésien et font l’objet de programmes de sauvegarde visant à suivre la reproduction et à contrôler les populations de prédateurs invasifs.
Pour le Monarque de Tahiti, suivi depuis 1998, la lutte contre les oiseaux introduits et la préservation de certaines populations, notamment celle vivant au-delà des cascades de Maruapo, ont permis un rajeunissement notable de la population. « En 20 ans, plus de 50 jeunes se sont envolés et ont permis d’amener la population d’adultes autour de 79 adultes au début de l’année 2018. » Depuis la population a presque doublé, atteignant 149 adultes en 2023, offrant ainsi un nouvel espoir pour la survie de cette espèce.
Le Monarque de Fatu Hiva, suivi depuis 2008, demeure en situation critique avec 19 individus. Cependant, le contrôle et la stérilisation des chats sauvages, ont permis la naissance de plus de 20 jeunes au cours de ces 5 dernières années. En 2023, un programme d’élevage en captivité a été lancé par la Société d’Ornithologie de Polynésie (SOP Manu), en collaboration avec la LPO France et le Zoo d'Auckland en Nouvelle-Zélande, offrant un espoir pour la survie de cette espèce emblématique.
En 2024, la SOP Manu a également lancé le programme européen LIFE STOP EXTINCTION, pour une durée de 6 ans, destiné à protéger 5 espèces d’oiseaux menacés en Polynésie dont le Monarque de Fatu Hiva et le Monarque de Tahiti.
Voir aussi : Premier élevage en captivité de l’oiseau le plus menacé de France
Contribuer à la sauvegarde des espèces endémiques
Pour contribuer à la sauvegarde des Monarques polynésiens, impliquez-vous dans les actions menées au local auprès de la SOP Manu.
Le Monarque de Fatu Hiva et le Monarque de Tahiti sont des exemples marquants qui démontrent l’impact majeur et les dégâts engendrés par l’introduction d’espèces animales sur des îlots sur lesquels les espèces n’ont acquis aucun moyen de défense depuis des milliers d’années. A l’échelle des territoires français d’Outre-mer, l’introduction d’espèces animales et notamment des rats et des chats, reste l’une des menaces majeures pour l’avifaune ultramarine. Les effets positifs des programmes de conservation mis en place pour sauver ces deux espèces de Monarques laissent espérer un renouvellement de leurs populations. C’est en ce sens, que la LPO France et la SOP Manu ont également déposé un nouveau projet LIFE, en septembre dernier, dans le but de protéger 15 espèces d’oiseaux menacés en Outre-mer dont 4 espèces d’oiseaux présents en Polynésie, dans les Marquises, en assurant notamment l’élimination des prédateurs introduits sur 7 îlots et la préservation de 2300 ha d’écosystèmes naturels.